REVENU
UNIVERSEL
Revenu
de base, allocation universelle, revenu
d’existence, revenu
citoyen…
Les
appellations divergent mais l’idée est la
même : verser à
tout citoyen d’un pays donné,
sans aucune condition, une somme
mensuelle
fixe.
Le
Mouvement français pour le revenu de base
inconditionnel»,
versé «de
la naissance à la
mort»,
de manière individuelle,
indépendamment de la situation familiale
et
financière du bénéficiaire et «cumulable
avec
d’autres revenus».
Fixé
à environ 700 ou 800 euros dans la plupart
des projets, ce revenu
pourrait s’ajouter à
certaines allocations (par exemple l’aide
au
logement) ou les remplacer.
Le
dispositif aurait pour effet, selon ses
défenseurs, d’éliminer la
grande pauvreté en
versant aux citoyens de quoi subvenir à leurs
besoins vitaux (logement, santé, alimentation).
Chaque
individu aurait la possibilité de
travailler ou non, et pourrait
occuper son
temps
comme il l’entend, en se consacrant à une ONG,
une association, à une activité culturelle ou
encore à sa famille.
Qui
défend le revenu universel ?
L’idée,
qui date du XVIIIe
siècle, est reprise par de nombreux chercheurs et des courants de
pensée très divers, des anarchistes aux écologistes en passant par
les libertariens ou les ultralibéraux.
Elle est portée par des
personnalités de gauche, comme Le
socialiste B Hamond ,Melancho, du FG, Nouvelle Donne
qui en a font
des
sujets
de sa campagne pour la primaire, et de droite La
repuplicaine
NKM,
député
qui défend une allocation de «800 à
1 000 euros»).
Si
la question dépasse le clivage gauche-droite, ses partisans
défendent des visions différentes.
Pour
les libéraux, l’objectif du revenu universel est de
rationaliser le système d’aide social, en remplaçant
l’ensemble des prestations sociales existantes.
Dans
cette version, élaborée à l’origine par l’économiste Milton
Friedman, le revenu de base doit rester faible, volontairement
insuffisant.
Couplé
avec une suppression du salaire minimum et des prestations sociales,
il est destiné à éliminer la grande misère, mais aussi à
flexibiliser le marché du travail et à réformer un Etat-providence
jugé inefficace.
Pour
les partisans d’une vision «émancipatrice» du revenu universel,
pas question en revanche de remettre en question la protection
sociale.
L’allocation
est vue comme un outil donnant aux individus les moyens de se prendre
en charge, et incitant au développement
d’activités non-marchandes, associatives, culturelles,
citoyennes.
C’est
cette vision qui est défendue notamment par le Mouvement français
pour un revenu de base.
Le
sociologue et économiste Bernard Friot incarne de son côté une
troisième voie, plus radicale et pensée comme une alternative au
capitalisme, celle du «salaire à vie».
Les
richesses seraient mutualisées dans une caisse dédiée, chargée de
redistribuer un salaire à tous les citoyens dès 18 ans en fonction
de leur qualification, en se fondant sur l’idée que toute activité
est créatrice de richesse.
Quel en serait le coût ?
Le coût irait d’un peu moins de 200
milliards d’euros par an pour un montant autour de 500 euros
mensuels à près de 400 milliards (soit un cinquième du PIB annuel
de la France) pour 1 000 euros, d’après l’AFP.
Le sénateur EE-LV Jean Desessard, auteur
d’une proposition de résolution pour l’instauration du revenu de
base rejetée en mai, estime
lui que le coût se situerait autour de 400 milliards d’euros
par an pour un montant équivalent au RSA actuel, soit 525
euros. Pour
la Fondation Jean Jaurès, un revenu de base de 500 euros par
mois coûterait 336 milliards d’euros à l’Etat (504
milliards pour 750 euros par mois et 675 milliards pour 1
000 euros).
Pour financer ce coût, les partisans de
l’approche libérale défendent une suppression des aides sociales
et une refonte de l’impôt sur le revenu, qui il ne serait plus
progressif mais proportionnel dès le premier euro (fixé, par
exemple, à 25% des revenus) et prélevé à la source. Le solde
entre le revenu de base perçu par chaque individu et l’impôt sur
le revenu payé par chaque individu serait positif pour les plus
aisés et négatif pour les plus bas revenus. Ce qui reviendrait à
comptabiliser le revenu de base comme un crédit d’impôt.
L’approche «émancipatrice» envisage,
elle, un financement via une hausse de l’impôt sur le revenu
pour les plus hauts salaires, de nouvelles taxes sur le patrimoine ou
sur les transactions financières, une meilleure taxation des profits
des multinationales, voire la création monétaire.
Le revenu universel
a-t-il déjà été testé ?
Il est actuellement expérimenté sous
une forme (très) alternative en Alaska. L’Etat américain reverse
chaque année depuis 1982 les revenus du pétrole et du gaz à ses
résidents installés depuis plus de 5 ans. En 2015, ce revenu, nommé
l’Alaska Permanent Fund, s’élevait
à un peu plus de 2 000 dollars par personne et par an (environ 1 800
euros). Ce «dividende » citoyen fait
débat, une partie de la classe politique proposant de réduire
son montant afin de combler le déficit budgétaire de l'Etat, lié à
la baisse du prix du baril.
Le Brésil a inscrit le revenu universel
dans sa Constitution en 2004, comme un idéal à atteindre.
Entre 2008 et 2014, une allocation, conditionnée à la
scolarisation des enfants, a été versée aux familles les plus
pauvres. Ce programme, intitulé Bolsa Familia, a permis d’améliorer
le taux de scolarisation et de sortir de la pauvreté un très grand
nombre de foyers.
A partir du 1er janvier 2017, la
Finlande va également faire une expérimentation visant à
simplifier son système d’aide sociale : pendant deux ans, 2
000 chômeurs de 25 à 58 ans toucheront 560 euros par mois au
lieu des différentes prestations auxquelles ils avaient droit.
En Allemagne, seize
citoyens tirés au sort perçoivent un revenu de 1 000 euros
pendant un an, financé via une plateforme de crowdfunding. Les
Suisses, en revanche, ont
rejeté à près de 76% lors d’un référendum organisé en
juin dernier un projet de revenu de base à 2 000 euros.
Que lui reprochent ses
détracteurs ?
Utopique et coûteux, le dispositif, pour
ses opposants, encouragerait l’oisiveté, généraliserait
l’assistance et mépriserait la valeur travail.
Certains craignent aussi qu’il se
transforme, dans sa version libérale, en instrument d’exploitation :
d’un montant trop faible pour se passer de travailler, il offrirait
au capitalisme une «armée de réserve» où puiser des travailleurs
partiellement rémunérés par un faible revenu d’existence,
soulève
le sociologue Robert Castel.
D’autres redoutent aussi que le
dispositif renvoie les femmes au foyer.
L’expérimentation d’un impôt
négatif, sorte de revenu de base allégé, aux Etats-Unis dans les
années 1970, a en effet entraîné une baisse du temps de travail
supérieure chez les femmes, note
Terra Eco. Barbara Garbarczyk, qui milite pour l’instauration
d’un revenu de base en Belgique, estime
que malgré cet écart, ce dispositif «va
dans le sens de l’émancipation des femmes»
: un revenu de base, puisqu'’il est versé à chaque individu et
non à chaque ménage, renforcerait l’autonomie et l’indépendance
économique des femmes, particulièrement touchées par la précarité.