35h
La baisse du temps de travail a été «la politique de l’emploi la plus efficace et la moins coûteuse depuis les années 1970». Selon un rapport parlementaire.
Une commission
mise en place sur proposition de l’UDI, et dont le principe a été
adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale en juin
dernier. Après 37 auditions (soit près de 80 personnes), le
document dresse un bilan plutôt bienveillant de la dernière grande
mesure de la gauche au pouvoir.
C’est un rapport qui va redonner du baume au coeur à l’ancien Premier ministre Lionel Jospin, et à tous ceux qui soutiennent les 35 heures. Rédigé sous la houlette de la rapporteure Barbara Romagnan, député socialiste du Doubs, le texte a été adopté, ce mardi, par 12 voix contre 4, par la commission d’enquête «relative à l’impact sociétal, économique et financier de la réduction du temps de travail».
Un effet positif vérifier sur l'emploi :
Et si oui combien?
Car si la période Jospin (1997-2002) a été riche en création de postes, la difficulté etait d’identifier ce qui, dans cette forte hausse de l’emploi, relève de la croissance économique (entre 3% et 4% entre 1998 et 2001) et de ce qui était dû aux 35 heures.
Pour ce faire, le rapport se livre un petit calcul: la France ayant créé 2 millions d’emplois salariés dans le secteur marchand entre 1997 et 2001 niveau sans précédent depuis les années 1950 tandis que le PIB progressait sur la période de 16 %, il y a eu une création moyenne de 125 000 emplois par point de PIB supplémentaire.
«Par comparaison, la croissance économique était encore soutenue entre 2004 et 2007, de 9,5 % sur les quatre ans, ne crée que 600 000 emplois marchands, donc moitié moins d’emplois par point de PIB, soit 63 000».
Un effet corroboré par d’autres études, rappelées dans le rapport, et qui concluent à une fourchette de création de postes liés aux 35 heures comprise entre 320 000 (selon l’OFCE) et 350 000 (selon la Dares).
Soit 18% de l’emploi total généré sur la période Jospin.
A-t-il eu un impact sur la compétitivité ?
les études scientifiques attestent que la réduction du temps de travail a crée des emplois à court terme, c’est-à-dire dans les cinq années qui suivent sa mise en œuvre, […] le doute subsiste sur le moyen et long terme ?
Au-delà de
l’effet emploi, c’est aussi et surtout la question de l’impact
sur la compétitivité des entreprises qui, ces dernières années,
revient avec insistance.
Avec un
argument: les 35 heures sont responsables de la baisse de performance
des entreprises françaises, dont les parts de marché, dans la
décennie qui a suivi leur mise en place, se sont écroulées à
l’international.
«Ce
qui détermine en effet la compétitivité d’une économie, c’est
l’évolution relative des coûts et de la productivité,
admet le rapport . Or
la productivité du travail a augmenté aussi rapidement que le coût
salarial réel, de sorte que l’effet d’une hausse des salaires un
peu plus rapide en France que dans la moyenne de la zone euro a été
totalement compensé par des gains de productivité également plus
rapide».Et de citer Jean-Luc Tavernier, directeur général de l’Insee, qui valide en grande partie cette thèse, ajoutant néanmoins le coup de pouce de l’Etat : «Le coût des salaires n’a pas augmenté dans les mêmes proportions [que la réduction du temps de travail, ndlr] en raison d’une modération salariale qui peut être estimée à 1 % ; le salaire horaire n’a en conséquence augmenté que de 3,5 à 4 %. Les gains de productivité horaire ayant atteint 2 à 2,5 %, le salaire horaire a donc crû un peu plus rapidement que la productivité. Cependant, si l’on tient compte des allégements de charges, on peut considérer que le coût salarial rapporté aux évolutions de la productivité est resté stable. »
En témoigne
une étude de l’OCDE, selon laquelle le coût salarial unitaire
(coût pour une unité produite, donc intégrant la productivité) a
progressé, entre 2000 et 2009, de 20,3% en France, contre 19,4% pour
la zone euro.
La faute à l'euro fort ?
Autre élément mis en avant: le taux de marge «ne s’est pas dégradé pendant la période de mise en œuvre des 35 heures.Il est resté stable de 1998 à 2003 alors qu’il a diminué en Allemagne jusqu’en 2001, avant de remonter ensuite».
Notamment par ce que «l’introduction des 35 heures a permis d’accroître la durée d’utilisation des équipements : alors que, en 1996, ils étaient utilisés en moyenne 50 heures par semaine, ils l’étaient 55 heures en 2000, soit une augmentation de 10 %», selon Guillaume Duval.
Reste que sur la période 2000-2009, le coût salarial unitaire en Allemagne ne progressait, lui, que de 7%.
«Le coût salarial unitaire relatif a baissé plus fortement en France qu’en Allemagne et que dans tous les autres pays de la zone euro, corrige le rapport.
L’Allemagne n’est repassée devant qu’à partir de 2004 et l’écart s’est fortement accentué depuis». selon Jospin : C’est au moment où les 35 heures sont détricotées, voire annulées, que la compétitivité s’affaisse.
Et Guillaume Duval d’imputer la dégradation de la compétitivité du coût horaire de la main d’oeuvre française, dans la décennie 2000, à l’appréciation de l’euro: «Alors qu’un euro coûtait 0,9 dollar en 2000, il en valait 1,6 en 2008, juste avant la crise.
Cela a été un énorme choc de compétitivité.
Alors que, en 2000, le coût du travail d’un Français était inférieur de 14 % à celui d’un Américain, il est devenu supérieur de 17 % en 2010 : cela ne s’explique pas par l’évolution différente des salaires, mais par l’évolution de la parité euro/dollar».
Un coût relativement faible
Les 35 heures,
enfin, pour quel coût?
Si, sur le
papier, la mesure, via les baisses de cotisations accordées à
l’époque aux entreprises, est évaluée à quelque 13 milliards
d’euros, le document a aussi procédé au calcul «net».
C’est-à-dire en en déduisant de ce coût les cotisations sociales
générées par les créations d’emploi ou les économies réalisées
sur l’assurance chômage grâce à la baisse du chômage. Et
d’estimer que les 35 heures n’ont, en réalité coûté «que»
2,5 milliards d’euros.
Mais le rapport estime toutefois qu’il s’agit de «la politique en faveur de l’emploi la plus efficace et la moins coûteuse qui ait été conduite depuis les années 1970».
Et de prôner son éventuel prolongement, non pas sous forme de réduction hebdomadaire du temps de travail, mais «par exemple à partir d’un calcul du temps travaillé sur plusieurs années», permettant aux salariés «de prendre des congés plus longs pour motifs personnels (naissance d’enfants, périodes sabbatiques, parents âgés à prendre en charge), ou être utilisés à des fins professionnelles (allégement de fin de carrière, congés pour formation, gestion de transitions professionnelles)».
D'après un texte de Luc Peillon
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